HHC à Lyon : plongée dans un marché gris bien ancré dans la vie locale
L’interdiction nationale du 13 juin 2023, étendue en 2024 à d’autres cannabinoïdes hémisynthétiques, n’a pas éteint la curiosité des Lyonnais pour les huiles HHC. Simplement, l’achat s’est déplacé derrière les écrans : la commande en ligne, la livraison en point relais ou en casier automatique et un emballage discret suffisent à contourner la fermeture des rayons HHC dans les boutiques physiques.

Avant le bannissement, des enseignes emblématiques comme Frenchy Freeze (Saint-Paul) ou The Hemp Concept (rue d’Algérie) réalisaient jusqu’à 40 % de leurs ventes avec des vapes et huiles HHC. Le retrait express de ces références a obligé les gérants à revoir leur modèle : mise en avant de gammes CBG, ateliers d’aromathérapie, élargissement vers la cosmétique chanvre. En périphérie, Cocorikush à Saint-Chamond ou L’Empire du Chanvre à Rive-de-Gier évoquent une perte de chiffre d’affaires à deux chiffres depuis l’été 2023.
Croissance des commandes en ligne : casiers anonymes et vallée du Rhône à plein régime
Le vide laissé en boutique alimente un flux e-commerce transfrontalier. Les expéditions partent des Pays-Bas ou d’Espagne, remontent la vallée du Rhône et aboutissent à Lyon en 48 h. Les lockers sans guichet de Lyon Parc Auto — Confluence, Cordeliers ou Part-Dieu — figurent parmi les points de retrait plébiscités ; des coursiers indépendants recrutés via Telegram complètent le « dernier kilomètre » jusqu’aux appartements étudiants de Bron ou des quais du Rhône. Pour les acheteurs, il suffit encore aujourd’hui de découvrir des huiles de HHC sur cette boutique en ligne, régler la commande et la récupérer sans contrôle d’identité.
Douanes et police judiciaire : la riposte s’intensifie sur l’A7 et au port Édouard-Herriot

Les brigades de la direction régionale des douanes multiplient les contrôles : en septembre 2024, 403 kg d’herbe ont été saisis dans un camion de pastèques sur l’A7, montrant que la route sud-nord reste clé pour les trafics de cannabinoïdes. Au port Édouard-Herriot, les agents inspectent désormais les colis issus du commerce électronique, chiens spécialisés à l’appui. La PJ, antenne place Guichard, a créé une cellule « nouvelles substances » qui suit la revente HHC via Telegram et trace les paiements en cryptomonnaie rapatriés sur des comptes rhodaniens.
Allo Poison : le CHU de Lyon en première ligne face aux intoxications

Le centre antipoison des Hospices Civils recense une hausse marquée des appels depuis 2024 : près d’un cas sur cinq concerne un produit vendu comme CBD mais contenant du HHC ou du H4-CBD. Les médecins décrivent tachycardie, angoisse aiguë et nausées sévères ; 59 % des dossiers se terminent aux urgences Édouard-Herriot ou Lyon-Sud. Plus alarmant, des enfants ont ingéré par erreur des huiles aromatisées vanille ou mangue laissées sur la table, confirmant le besoin de flaconnages sécurisés.
Scène festive et réseaux sociaux : quand Nuits Sonores devient terrain d’observation
Le dispositif TREND-SINTES, coordonné localement par Oppelia ARIA, observe l’émergence des e-liquides « High-HP » sur les parkings de Nuits Sonores et aux afters du Woodstower. Les maraudes du Bus 31/32 collectent des échantillons pour analyse : produits souvent non conformes, solvants résiduels. Un réseau démantelé début 2023 vendait déjà ces huiles sous le label « Dimethyl Hash Oil » pour 80 € la pipette, livrée en trottinette électrique.
Plan d’action territorial : formation, recherche et prévention à la lyonnaise
Le plan départemental Rhône 2024-2027 finance des modules HHC destinés aux animateurs périscolaires ; les premiers ateliers ont lieu dans les collèges du 7e et de Vaulx-en-Velin. Côté recherche, le labo toxicologique du CHU travaille sur la détection rapide des métabolites HHC, tandis que l’université Lyon 1 étudie l’affinité des dérivés HHCP-O avec les récepteurs CB1. Les associations diffusent le rapport lyonnais de l’OFDT pour sensibiliser professionnels de santé et décideurs locaux.
Vers quel futur ?
Si Bruxelles suit la recommandation de la Commission des stupéfiants de l’ONU (mars 2025), l’espace européen pourrait bientôt harmoniser l’interdiction du HHC. À Lyon, douaniers, soignants et chercheurs se préparent déjà à la prochaine vague moléculaire : HHCP-O et THCA-P pointent dans les laboratoires, preuve qu’un marché gris réagit plus vite que la loi. En attendant, le consommateur lyonnais reste coincé entre la tentation d’un clic facile et les risques juridiques, sanitaires et douaniers qui en découlent. Vigilance et information demeurent ses meilleurs alliés.