Du pare-brise au vitrage intelligent : Lyon fait entrer la voiture dans l’ère de la vision augmentée

Lyon et l’Auvergne-Rhône-Alpes ne se contentent plus d’assembler ou de réparer des vitrages ; elles inventent désormais de nouvelles façons de voir la route. Des scanners dopés à l’IA aux films électro-opaques, plusieurs acteurs régionaux transforment un banal pare-brise en interface technologique. Tour d’horizon.

L’Auvergne-Rhône-Alpes, deuxième région industrielle de France, développe aujourd’hui une filière « mobilité intelligente » en pleine effervescence. Le secteur représente déjà des milliers d’emplois et des centaines d’entreprises au plan national, avec des débouchés importantes pour le vitrage connecté et les capteurs embarqués. Dans ce cadre, Lyon et Grenoble se distinguent : hubs de la photonique régionale (près de 20 milliards de chiffre d’affaires !), pôles de recherche et clusters (CARA, Minalogic) jouent le rôle de catalyseurs.

Cette mutation transforme le pare-brise passif en interface active et fait du véhicule un vecteur de vision augmentée. Le pare brise à Lyon n’est plus la seule chasse gardée de Carglass 😄 : les start-ups locales lui greffent pixels, capteurs et un soupçon d’écologie. De ProovStation à Minalogic, passage en revue des acteurs qui redéfinissent la vision embarquée.

ProovStation : le scanner lyonnais qui ausculte le pare-brise en trois secondes

Créée en 2018 et installée dans l’écosystème H7 à Confluence, ProovStation a conçu un portique d’inspection automatisée capable de capturer jusqu’à 800 images 3D d’un véhicule en quelques secondes. L’algorithme repère bosses, rayures… et micro-impacts sur le vitrage. Déployée dans des concessions, des centres de location et des parkings d’aéroport, la solution réduit les coûts de remise en état et facilite la vente de véhicules d’occasion. ProovStation revendique déjà plus de 130 portiques installés sur trois continents et une levée de 10,4 millions d’euros pour accélérer son réseau.

L’intérêt pour le pare-brise est double : détection précoce des éclats, donc réparation avant fissuration, et génération automatique d’une fiche d’état, exigée par certains assureurs lors de la reprise d’un véhicule.

Vision Systems / Gauzy : la vitre qui s’assombrit sur commande

À Mions, à une encablure du port Édouard-Herriot, Vision Systems (filiale du groupe israélien Gauzy) conçoit depuis dix ans des vitrages dits « smart ». Leur film SPD, logé entre deux feuilles de verre feuilleté, passe d’un mode clair à un mode teinté en quelques millisecondes. Sur bus ou camping-cars, la luminosité se régule sans volet mécanique ; sur voitures haut de gamme, il joue le rôle de pare-soleil dynamique au sommet du pare-brise. L’entreprise revendique aussi un système de caméras HD remplaçant le rétroviseur latéral : l’écran se colle derrière le vitrage, à hauteur du montant A, libérant la vue du conducteur et abaissant la consommation aérodynamique.

STMicroelectronics Grenoble : des capteurs sous le verre

À Grenoble, STMicroelectronics étend son centre de tests : 4 000 m² de salles blanches inspectent désormais les MEMS dédiés à l’automobile. Objectif : répondre à la demande croissante des constructeurs pour des capteurs d’angle, de luminosité et de présence placés derrière le pare-brise afin d’alimenter les systèmes ADAS. Le site isérois vient d’ajouter 300 m² de surfaces propres et un nouveau bâtiment de 5 000 m² labellisé Breeam Outstanding. Si le nom de STM n’est pas visible sur la carrosserie, ses puces CMOS comptent déjà parmi les yeux électroniques logés derrière de nombreux vitrages français.

Navya : capteurs Lidar au-dessus du pare-brise

À Villeurbanne, Navya assemble des navettes autonomes truffées de capteurs : dix Lidars, six caméras, quatre radars et une centrale inertielle. Deux de ces Lidars trônent au-dessus du pare-brise pour offrir une vue à 360°, tandis que les autres surveillent les angles morts. De quoi naviguer en zone piétonne à 25 km/h sans conducteur. La société collabore avec Sytral et Keolis pour des tests grandeur nature dans la métropole lyonnaise.

Leur expertise profite à toute la filière : calibrer des capteurs derrière un vitrage feuilleté, sans dégrader la qualité optique, devient un métier en soi.

CARA et Minalogic : le terreau des champions de la vision

Le pôle de compétitivité CARA, basé boulevard Edmond-Michelet, fédère plus de 430 entreprises de la mobilité, du prototype au véhicule de série. Workshops, bancs d’essai partagés, financements européens : le cluster sert de tremplin à de jeunes pousses qui développent caméras, projecteurs HUD ou systèmes de nettoyage de capteur intégrés au pare-brise.

Côté micro-électronique, le pôle Minalogic, présent à Grenoble, Lyon et Saint-Étienne, regroupe plus de 500 adhérents et facilite la mise en relation entre chercheurs et industriels du verre technique ou du traitement d’image.